Par Felix
Qu'est-ce qu'un chef d'oeuvre sinon un accomplissement ?
Historiquement, un chef d'oeuvre est la preuve de l'excellence que doit présenter l'artisan pour être promu à la maîtrise dans sa corporation. Hegel, lui, disait que les chefs-d'œuvre sont goûtés « de toutes les nations et de toutes les époques ».
On a souvent tendance aujourd'hui à trop facilement qualifier comme tel un excellent film (ou roman, ou oeuvre musicale, etc...) mais on peut s'interroger : qu'est-ce qui différencie un Citizen Kane, (chef d'oeuvre absolu), un A bout de souffle (coup de maître), d'un Elephant, d'un Paranoid park ( le souffle divin qui a touché les précédents, mais effleuré à peine ces derniers) ? Au risque de décevoir ou plutôt de soulager, on n'aura pas ici la prétention de tenter de répondre à cette question, mais simplement d'encenser avec réserve le dernier film d'un auteur qui peu à peu se rapproche de la perfection en attendant de voir sur lui descendre le génie.
Deux ans après Last Days, rêverie rock-mythologique, lente, contemplative et pour certains, soporifique, Gus Van Sant est à nouveau présent dans les salles obscures, proposant un film où resurgissent ses thèmes favoris, avec la maitrise qu'on lui connait sans jamais ni lasser, ni décevoir, ni surprendre...
En effet, le cinéaste de Portland aime toujours autant les adolescents (savez vous que 7 % de l'oeuvre de Gus Van Sant se passe dans des couloirs de lycée ? C'est beaucoup; à titre de comparaison, seuls 4 % des plans de Stanley Kubrick sont des travelling arrière... ) et son talent pour bâtir des personnages à la psychologie complexe et réaliste est inchangé.
Le degré de naturel, de fraicheur et de tension qui émane des comédiens, quasiment tous amateurs, à l'image de Gabriel Nevins, touchant et mystérieux, (ou encore du chef opérateur Christopher Doyle, qui apparait brièvement), révèlent une excellente direction d'acteurs, au service d'une narration fine et intrigante. En effet, par rapport aux autres films de Gus Van Sant, c'est là que me semble résider un des succcès artistiques de Paranoid Park : jamais le portrait psychologique esthétisant n'est peint au détriment du conflit qui rend une histoire passionante, ou pas...
L'univers peint dans Paranoid Park est également des plus interessants, et montre la volonté de GVS de rester le chantre de "l'autre face de l'amérique" ; si il ne fait que toucher le monde du skatebaord en se plongeant dans celui de l'adolescence, il parvient à en saisir la beauté à travers l'attrait de son héros , se permet de longues séquences en super 8, le caractère innocent de la planche à roulettes vient soulager ou détourner du poids du passé, oppressant pour le spectateur comme pour Alex. Les choix picturaux du réalisateur d' Elephant, Gerry,..., assisté par la nouvelle recrue Christopher Doyle, ancien compagnon de route de Wong Kar Wai, sont parfaitement cohérents avec le film, le montage est efficace, GVS parlant certes, et la présence musicale fantomatique du songwriter Eliott Smith, idole du cinéaste, illumine une fois encore quelques séquences.
Si GVS développe encore une fois son récit à partir d'un fait divers, en l'ornant de flashbacks et de stations poétiques, il a en aussi trouvé, avec l'idée de construire le film à partir du journal intime d'Alex, un tronc plus solide que précedemment, auquel rattacher les branches feuillues qui font le charme de son cinéma -pardonnez la métaphore végétale- tout en explorant subtilement les thèmes de l'écriture et de la culpabilité.
Paranoid Park semble au premier abord reprendre bon nombre des obsessions de son auteur, et montre une fois de plus son talent pour construire des personnages à la psychologie complexe et problématique, avec une grande subtilité, tout en sachant faire montre de poésie, mais il est également fort d'un scénario à l'intrigue passionante, bien que secondaire. Cela suffit à en fai reun des plus beaux films de l'année, le plus grand nombre s'accordera à l'admettre, mais ne manque t'il pas quelque chose d'indéfinissable à ce nouvel excellent film pour être plus encore ?
On ne pourra donc être plus élogieux, en espérant sincèrement que Gus Van Sant puisse dans les années à venir faire encore mieux et réaliser le chef d'oeuvre qu'on est en droit d'attendre de lui.
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6 commentaires:
Un chef d'oeuvre est un film qui véhicule un propos sur le monde et un propos sur le cinéma. Exemple: Blow up d'Antonioni, Eyes wide shut de kubrick (et beucoups d'autre de ce réalisateur),règle du jeu de Jean Renoir, etc...
Loïc, on a compris que t'avais vu Blow up et Eyes Wide Shut... x)
Peut-être m'aiderez-vous à savoir s'il y a bien un faux raccord au moment crucial de l'intrigue : voir la position du gardien avant et après le train.
J'espère que je ne dévoile rien de trop.
oula je ne me souviens pas très bien, mais je crois voir pourquoi ça t'a fait bizarre; il me semble que le caméra change de place, et que le raccord traditionnel auquel on s'attend est brisé par le fait qu'on passe à une plongée brutale et que la règle des 180° est outrepassée. Quelqu'un a vu autre chose ?moi je n'ai pas été spécialement choqué...
bienvenue à toi spamoi en tous cas, parle du blog autour de toi... à plus
en fait, le gardien tombe en arrière. Logiquement il est sur le dos lorsque le truc.... arrive... et après il rampe sur le ventre dans le sens inverse. Je fais un dessin pour mon blog dans la fin de semaine.
et du coup je parle de ton blog.
Finalement,
un ami m'a parlé de sa vision du film.
Il a vu dans ce film une communauté de skaters suffisamment fort même devant la mort
••••Lorsque le flic parle aux skateurs dans la classe, il sait probablement que c'est alex le coupable. Mais c'est comme si le flic testait leur force de caractère, pour savoir si alex a besoin de prison pour digérer son meurtre...
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