vendredi 26 octobre 2007

EXILS : Tony Gatlif sans filet

par Felix

J'ai vu EXILS deux fois, dans des conditions différentes, et j'en ai tiré deux bilans aux allures contradictoires, mais plutôt que de censurer ma première impression, qui m'a laissé au palais un goût d'inachevé, je chercherai ici à exposer les raisons pour lesquelles ce film est un de ceux que j'aime à appeler "film funambule", dans la mesure où il peut être adoré ou detesté, non par acceptation d'un relativisme bon ton mais parce qu'il avance perpétuellement sur une corde raide, criant plus fort que quiconque et à qui veut bien l'entendre, que le cinéma c'est la vie, ne faisant preuve d'aucune pitié pour ceux qui ne veulent y prêter suffisament attention...

Bien sur Romain Duris fait du Romain Duris, son jeu dans ce film est d'ailleurs selon moi le plus abouti de sa filmo, quant à l'émotion brute qu'il dégage (oui plus que dans "De battre....") mais on pourra aussi, aigri, déplorer le manque de subtilité qu'on attendrait d'un grand comédien. A côté de ça, son personnage est attachant, par sa jeunesse, son charisme, sa fragilité sous-jacente et tout ce qui fait qu'il est l'acteur préféré de beaucoup des 15-25 ans, pas forcément à tort d'ailleurs.
Sa partenaire m'a, dans une moindre mesure, également impressionné, son jeu exubérant étonne, surprend, séduit souvent, mais Lubna Azabal énerve aussi, et si je ne m'étais finalement laissé aller au plaisir de me faire porter par le film, je lui reprocherais de ne pas sembler pouvoir nous donner plus que sa folie et sa fougue, à l'image de la scène mémorable, (qui m'a plutôt ennuyé, n'ayant à mon grand regret pas réussi à entrer en transe couché sur mon sofa) au cours de laquelle elle danse jusqu'à l'évanouissement 15 minutes sans discontinuer.

Le scénario simple suffit à emmener avec lui le spectateur car EXILS est un road movie dont le charme tient avant tout dans sa couleur, son " flavour ", son parfum de folie sans concession, qui séduit ou laisse hagard ; car il faut partir avec Zano et Naïma pour aimer leur histoire, un regard distant ne saurait mener qu'à chuter du camion qui les emporte vers l'Algérie, fantôme familial commun, renvoyant à la fois à ce qui les sépare, mais aussi à la force de ce qui les unit. Car EXILS, contrairement à ce qui est écrit quelques lignes plus haut, n'est pas un "road movie", c'est une "love story", c'est "le chemin de l'exil à rebours" mais aussi une "reconquète d'eux mêmes" ( je cite la jaquette du DVD, qui pour une jaquette de DVD, est plutôt intelligente) par les deux protagonistes, en proie à cette chose horrible que quelques centaines de films français ont essayé ces dernières decennies de mettre en scène: les vicissitudes du couple...

Tony Gatlif est le maitre funambiliste, celui qui fait croire que le danger de la chute est toujours présent, celui qui agence les lumières et lance la musique, car EXILS, ce n'est ni un "road movie", pas plus qu' une "love story", c'est un film musical, où se succèdent électro, flamenco, mélodies et rythmes arabo-andalous (normalement on dit "rythmes arabo-andalous" mais il me semble que réduire à des rythmes la musique du maghreb témoigne d'un étrange complexe de supériorité de la part de l'Europe occidentale présupposant que l'écoute de Fauré et Verdi est généralisée dans nos contrées, ce qui n'est pas tout à fait le cas, désolé de l'apprendre aux mélomanes).

Finalement, personne ne tombe, dans cette oeuvre qui n'est ni un "road movie", ni une "love story", ni un film musical, ni un film d'apprentissage. Non, EXILS, pour moi, c'est tout cela, un film funambule...

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